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AU SPITZBERG.

l’examiner au dehors ; un rayon de soleil m’ayant favorisée le lendemain de ma visite à la mine, je me mis bravement à la gravir, sans autre compagnon que mon bâton ferré, le meilleur guide en pareille circonstance. Je traversai une espèce de jardin dont les colons anglais sont parvenus à entourer leur habitation, luttant à la fois contre le sol ingrat et le climat inclément, et je me trouvai au bout de peu de temps au milieu des rochers et des éboulements.

Cette montagne de Kaafiord, si sauvage il y a quelques années, a subi de singulières transformations depuis que l’industrie en a fait son domaine. En bas, elle est aplanie, bêchée, ratissée avec soin ; en haut, le pic et la poudre l’ont perforée jusqu’au cœur ; les grues lui ont enlevé ses grands ossements de granit ; elle est déchirée, bouleversée, éventrée de toutes parts. Dans les endroits que les redoutables mineurs n’ont pas encore envahis, elle nourrit trois ou quatre bouquets de pins maigres et de bouleaux chétifs ; puis, dans les interstices de toutes les pierres, au bord de toutes les crevasses, autour de tous les puits, croît la broussaille épaisse de myrtille, et ses touffes d’un vert sombre, constellées de petites baies bleuâtres, lui font comme un manteau charmant dont elle cache ses profondes blessures. En arrivant au sommet de la montagne, j’atteignis un plateau où les femmes des mineurs donnent aux pierres leur première façon en les concassant grossièrement. Comme j’étais en plein air et en plein jour, je suivis avec intérêt leurs opérations. Le minerai ainsi divisé est placé dans de larges conduits de bois posés sur la pente de la mon-