Page:Aunet - Voyage d’une femme au Spitzberg, 1872.pdf/209

Cette page a été validée par deux contributeurs.
197
VOYAGE D’UNE FEMME AU SPITZBERG.

yeux, et, signe caractéristique, les défenses. Il sort de son énorme museau aplati comme une face de lion deux longues dents d’ivoire, différant de celles de l’éléphant en ce qu’elles se recourbent en dessous au lieu de se relever ; l’ivoire en est aussi plus verdâtre et plus poreux. Le morse est amphibie et a, comme le phoque, des nageoires-mains ; ses défenses lui servent à se cramponner aux glaces ou aux rochers lorsqu’il veut se hisser hors de l’eau ; sa taille varie de neuf à douze pieds de longueur ; il est recouvert d’une épaisse couche de graisse, ce qui le rend très-précieux pour les pêcheurs norwégiens ; la pêche du morse est regardée par eux comme plus productive et moins dangereuse que celle de la baleine. Le morse n’est pas féroce et n’attaque pas l’homme, mais il se défend avec un indomptable courage ; on me raconta à Hammerfest que l’an dernier des pêcheurs, ayant découvert un petit morse dans une caverne au bord de la mer, s’en emparèrent et le mirent dans leur bateau ; le père et la mère morses, furieux de ne plus retrouver leur petit, poursuivirent l’embarcation, et l’un d’eux, s’étant accroché au bateau avec ses formidables défenses, le fit tellement pencher, qu’un des pêcheurs glissa dans la mer ; le morse se jeta sur lui avec fureur, et il fut impossible aux autres pêcheurs de sauver leur compagnon.

Outre l’huile que la chair du morse produit en abondance, les pêcheurs tirent parti de la peau de l’animal, dont on fait des soupentes de chariots, et de l’ivoire de ses dents, qu’on emploie de diverses manières. Les Russes sont très-adroits pour travailler l’ivoire ;