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VOYAGE D’UNE FEMME AU SPITZBERG.

pour la Flore de la baie Madeleine ; la nomenclature d’histoire naturelle ne sera guère plus étendue.

Le Spitzberg abonde, dit-on, en ours blancs et en rennes sauvages. C’est possible ; pourtant nous n’avons vu aucun de ces animaux : est-ce effet du hasard, ou étions-nous arrivés à une latitude qu’ils abandonnent faute d’y pouvoir trouver leur nourriture ? Je ne résous pas la question. Nous fûmes en revanche entourés d’un grand nombre de phoques. Vous savez que le phoque est l’animal vulgairement appelé chien marin ; c’est un cétacé long de quatre ou cinq pieds, couvert d’un pelage court et rude, jaune sale ou grisâtre tacheté de noir comme la peau du léopard ; deux paires de mains fort longues lui tiennent lieu de nageoires et de pattes ; il s’en sert pour nager et pour se traîner sur les glaces ; sa tête ressemble à celle d’un chien à qui on a coupé les oreilles, et est embellie par deux grands yeux vert de mer, doux et limpides comme des yeux d’enfant. Ces pauvres phoques, avec leurs allures tranquilles et confiantes, m’intéressaient vraiment ; je ne pouvais voir tirer un coup de fusil sur eux sans ressentir un regret, et lorsque l’un d’eux, étant blessé, rougissait les glaces de son sang et tournait vers nous son regard presque humain, il me semblait avoir vu commettre une sorte de crime.

Pendant tout notre séjour nous ne vîmes qu’un seul morse (vache marine). Le morse est beaucoup plus gros, plus singulier et plus laid que le phoque ; le nom d’éléphant marin lui serait mieux approprié ; il a de l’éléphant la forme colossale, lourde et disgracieuse, la peau épaisse et rugueuse, les petits