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VOYAGE D’UNE FEMME

glaise, choisis des couleurs les plus éclatantes. Tout cela était accroché autour d’elle pêle-mêle, comme à un porte-manteau, et ces tons tranchés, ces lambeaux flottants, ce désordre criard et heurté, contribuaient à rendre son costume aussi disgracieux que sa personne.

Chacun se tenait debout et en silence autour de la chaire. Bientôt le ministre arriva. Il lut les versets consacrés, unit les mains des époux, échangea leurs anneaux, puis leur fit en langue laponne une allocution qui dut être touchante, car tout le monde se mit à pleurer à chaudes larmes.

Mon ignorance de la rhétorique laponne ne me permit pas de prendre part à l’émotion générale ; mais en regardant les contorsions de physionomie de tout cet horrible petit monde, j’entrevis à la laideur humaine des horizons variés et infinis que je n’avais même pas soupçonnés jusqu’alors.

Cette partie de la cérémonie achevée, le marié retourna au milieu de ses amis d’un côté de l’église, et la mariée près de ses compagnes de l’autre ; puis toute l’assistance entonna un psaume d’une voix fausse et rauque à faire fuir des ânes.

C’est la seule circonstance où j’aie entendu chanter des Lapons, si ce que j’entendis alors peut s’appeler un chant. Une remarque à faire en passant, à propos de la voix laponne, c’est que généralement les femmes ont le timbre sourd et enroué, et que les hommes, au contraire, l’ont grêle et glapissant. Les yeux fermés, on pourrait se méprendre souvent sur leur sexe.

En sortant de l’église, je fus tout éblouie par un