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AU SPITZBERG.

mées. Des bancs de sapin, serrés les uns contre les autres, couvrent les dalles verdâtres et inégales, et sont dominés par une chaire qui ressemble infiniment trop à une guérite.

Le jour du mariage dont je parle, une assistance nombreuse amena les époux jusqu’au seuil de l’église. Là, les parents et les amis intimes des fiancés entrèrent seuls avec eux et se placèrent en face de la chaire, les hommes d’un côté, les femmes de l’autre. Le futur, un des plus petits Lapons que j’aie vus (il ne devait pas avoir quatre pieds de hauteur), portait une robe de wadmel gris bordée de trois bandes de drap gros bleu, rouge et jaune, dont il avait l’air très-orgueilleux. Il n’était pas précisément laid ; ses épais cheveux noirs encadraient bien son visage carré, imberbe, et faisaient ressortir son teint coloré et sain. Quant à la femme, elle était d’une laideur amère, à peine tempérée par son extrême jeunesse. Ses petits yeux enfoncés et bordés de rouge, sa bouche énorme montrant des dents aiguës et écartées, sa peau brune et rude, sa taille massive, ses mains courtes et sales, en faisaient une espèce de monstre. Telle on représenterait la sœur de Caliban, ou une des filles de l’ogre des contes de fées. C’était un ensemble pire que laid : repoussant. Elle portait le costume ordinaire des Laponnes, et n’y avait ajouté pour la solennité qu’une coiffe-casque ornée de petites plaques d’argent, derrière laquelle pendait une énorme touffe de rubans de coton tramés de cuivre et d’argent. Les libéralités de sa famille ou de son fiancé lui avaient, en outre, permis d’attacher après elle une quantité de petits fichus de laine et de coton de fabrique an-