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AU SPITZBERG.

tant pénétré. L’intérieur est très-sombre, à peine éclairé par des ouvertures inégales ménagées dans les murs, bouchées l’été avec de la toile à voile et refermées hermétiquement l’hiver. Au milieu du hangar, dans une immense cuve de fonte, bouillent incessamment des poissons dépecés ; une rigole placée en pente et communiquant avec le haut de la cuve reçoit l’huile qui monte à la surface de l’eau et la conduit dans des auges de pierre, où elle refroidit avant d’être mise dans des tonneaux et livrée au commerce ; cette monstrueuse marmite toujours en fonction, les quartiers de chair rangés sur de larges tables, les os énormes des morses et des baleines entassés dans les coins, donnent à ce lieu l’aspect fantastique et horrible de la cuisine de quelque ogre colossal ; lorsqu’on y est une fois entré, je vous jure qu’on n’a pas envie d’y retourner.

À l’extrémité sud du croissant est située la maisonnette d’un homme nommé Bank, qui exerce dans ce pays perdu le métier original d’aubergiste ; sa maison de bois de sapin n’a pas plus de quatre mètres, et l’appartement d’honneur, retenu pour moi, se compose de deux pièces de huit pieds carrés chacune, et peu élevées de plafond, car j’y touche avec la main. Évidemment l’architecte de l’édifice n’avait prévu que les Laponnes ; le mobilier est réduit à sa plus simple expression : un lit où rivalisent la planche et l’édredon, formant l’antithèse la plus désagréable, une table et deux fauteuils de bois. Le voyageur est libre de mettre des clous dans les murailles, seule façon de remédier aux armoires absentes. Les fenêtres et les portes sont des miniatures proportionnées