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AU SPITZBERG.

le bouquet jeté chaque soir sur un meuble par l’élégante Parisienne à son retour du bal.

Une femme d’Hammerfest possède, depuis longues années, un rosier qui ne donne pas une rose par an et reste pourtant l’objet de l’envie universelle ; une autre plaça un jour devant moi, sur sa commode, des plantes de pommes de terre ; elle espérait les voir fleurir, et sa joie était extrême.

L’unique rue de la ville est longue d’environ deux cents pas, large de dix ; elle prend le croissant du port en diagonale. Elle n’est pas pavée, on s’est contenté de poser de loin en loin sur le sol des fragments de rochers plats, sans lesquels on enfoncerait complétement dans la boue. Cette rue a pour embranchements quelques ruelles étroites, absolument inabordables dès qu’il pleut.

Les maisons de bois déploient leur façade sur la rue principale. Les ruelles sont bordées des chaumières norwégiennes ; ces pauvres logis n’ont jamais qu’un rez-de-chaussée ; les murs sont faits de troncs de sapins, dont les interstices sont remplis avec de la mousse ou de vieux câbles mis en charpie. Une cabane est divisée en deux compartiments : la pièce d’entrée sert de cuisine, de salon et de salle à manger ; une immense cheminée, construite avec des lames de pierre grise, occupe un pan de mur presque entier ; cette cheminée, de forme tout à fait primitive, s’élève jusqu’au toit sans se rétrécir. La pièce du fond est l’habitation de toute la famille, elle fait aussi office de magasin pour les vêtements et les provisions ; c’est le gaard de la Norwége méridionale, rétréci, appauvri, attristé sous l’influence d’une terre