Page:Aunet - Voyage d’une femme au Spitzberg, 1872.pdf/140

Cette page a été validée par deux contributeurs.
128
VOYAGE D’UNE FEMME

ments de terre noire se dessinaient sur des allées de terre noire, le tout parfaitement vierge d’une tache de verdure ; on ne pouvait distinguer les allées des plates-bandes que parce que les unes étaient battues et les autres labourées.

« C’est là le jardin dont on m’a tant parlé ? dis-je en regardant cette espèce de cour non pavée.

— Oui, madame.

— Mais il n’y a pas là une fleur, ni même un brin d’herbe.

— Oh ! sans doute, mais il y a des graines semées, et dans quelques jours elles lèveront ; si l’été est beau, on aura peut-être quelques salades ; l’année dernière on en a eu douze, et des pavots et des renoncules de quoi faire au moins trois bouquets.

— Pourquoi alors m’avez-vous amenée ici avant qu’il y eût rien à voir ?

— Comment, madame, rien à voir, et toute cette terre !

C’était la terre amassée en aussi grande quantité qu’on offrait à mon admiration.

Il faut aller à Hammerfest pour bien comprendre que les diamants et les fleurs sont au fond la même chose, sont les formes différentes de la même pensée de Dieu. Les pierres précieuses sont des espèces de fleurs rares que la terre cache dans son sein ; à Paris, où il y en a peu, où elles coûtent cher, toute femme les admire et les désire, quoiqu’elle ait des roses pour rien : à Hammerfest, où les fleurs sont plus que rares, sont presque impossibles, les femmes les adorent, et aucun diadème de pierreries n’a été mieux reçu que ne le serait dans ce coin du monde