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AU SPITZBERG.

du Jardin des Plantes ne nous donnent guère l’idée ; quoique prévenue, je fus épouvantée, tant il me semblait facile à ces énormes masses de renverser notre navire, si elles le voulaient. Elles n’eurent pas d’intention si méchante, et je suppose que la simple curiosité les attirait près de nous ; elles voulaient sans doute examiner de près ce poisson à roues d’une espèce inconnue. Par moments elles s’approchaient de nous tout à fait, et je pouvais parfaitement les distinguer, malgré l’écume de notre sillage et les tourbillons d’eau qu’elles lançaient en l’air. Ce qui me frappa alors, ce fut l’insupportable odeur de leur souffle, une odeur putride, cadavéreuse et suffocante. Quelqu’un du bord me dit que cette odeur est causée par un grand nombre de parasites hideux, dont ces pauvres monstres sont dévorés tout vifs ; ces parasites s’attachent à eux et leur font, particulièrement dans la bouche, des plaies profondes où se met la putréfaction.

L’explication me parait plausible ; je ne saurais dire si elle est exacte.

Des baleines, mon intérêt passa à ce qui pouvait au monde former avec elles le contraste le plus complet ; je m’occupai d’un bouquet ; voici comment : il y avait parmi les passagers un grand jeune homme pâle, blond, mince, silencieux, contre l’habitude norwégienne, et que je voyais plusieurs fois par jour s’enfermer dans sa cabine avec une carafe d’eau ; ses inexplicables et fréquents tête-à-tête avec une carafe m’avaient donné les plus coupables pensées : j’avais supposé, et je m’en accuse, que la carafe pouvait bien contenir autre chose que de l’eau. Un jour, par