Page:Aunet - Voyage d’une femme au Spitzberg, 1872.pdf/108

Cette page a été validée par deux contributeurs.
96
VOYAGE D’UNE FEMME

une aristocratie hautaine le précieux privilège d’élire ses souverains, et se vengeait en même temps des dédains adressés par elle au fils du cabaretier d’un faubourg de Copenhague.

Le souvenir de sa basse origine, ou peut-être un écho de ce sentiment de justice si difficile à étouffer dans le cœur de l’homme, lui fit introduire dans cette loi un article qui la rend respectable aux yeux de la postérité. L’article 21 enlève aux grands du royaume le droit de vie et de mort sur leurs serfs.

La puissance de Schumacker s’accrut encore sous le règne de Christian V ; il ne porta plus que le nom de comte de Griffenfeld, et ses fonctions de grand chancelier devinrent les premières du royaume. Dès lors son ambition n’eut plus de bornes ; arbitre de la paix et de la guerre, il voulut profiter, comme le roi lui-même, des avantages remportés par les troupes danoises en Poméranie. Le traité qui soumettait à Christian V la ville de Wisman donnait en fief à Schumacker l’île de Wolin ; en même temps il faisait demander la main d’une princesse d’Augustembourg et était sur le point de l’obtenir. Il était monté si haut que le roi s’aperçut de cette presque égalité entre lui et un sujet, et l’orgueil royal réveillé décida la perte du favori. Sur un ordre de Christian, Schumacker, arrêté, accusé du crime de lèse-majesté, est condamné à perdre la tête.

Le 5 juin 1676, la multitude de Copenhague voit avec stupeur dresser l’échafaud du comte de Griffenfeld, et marcher au supplice cet homme devant qui elle avait tremblé si souvent. Schumacker ne faiblit pas un instant ; il reste fier et ferme, même devant