sagacité, des fragments d’ouvrages perdus ; des investigations
précieuses sur les langues, les institutions et les mœurs des anciens.
Les citations qu’il emprunte aux vieux auteurs sont pour nous
d’une utilité et d’une importance incontestables. On s’est étonné
qu’il ne citât nulle part ni Quintilien, ni Pline le Jeune, ni Tacite,
ni Lucain, ni Juvénal ; mais c’est là précisément le mérite de
son livre ; c’était aussi le goût de son temps. Quand Fronton veut
former Marc-Aurèle à l’éloquence, quels modèles lui conseille-t-il
d’imiter ? Est-ce Cicéron ? non ; c’est Caton, ce sont les Gracques.
L’empereur Adrien aussi préférait Caton à Cicéron, Ennius
à Virgile. Sans doute, les Quadrigarius, les Valerlus Antias, ne
valent pas les Tite-Live et les Tacite ; mais oeux-cl ne pouvaient
périr ; et sans Aulu-Gelle, que saurions-nous des premiers ?
Ne soyons donc pas surpris de cette prédilection d’Aulu-Gelle
pour les curiosités de l’érudition et les obscurités de la
vieille langue latine. Nous-mêmes n’en sommes-nous pas un peu
là ? Ce qui nous attire aujourd’hui, ce qui sollicite les recherches
des savants, ce ne sont pas, ce me semble, les grands écrivains
du dix-septième ; ou si nous y revenons, ce n’est pas précisément
aux plus purs que nous nous adressons, mais à ceux qui, par quelques
archaïsmes de langage, par quelques tours et quelques formes
naïves et gauloises, sa rapprochent un peu du seizième et
même du quinzième siècle ; notre critique n’est plus guère que
de la philologie. Soyons donc indulgents à ce goût d’Aulu-Gelle
pour les étrangetés littéraires, historiques ou philosophiques.
Moins exclusif, son ouvrage aurait pour nous moins de prix ;
nous sommes assez renseignés sur les auteurs du siècle d’Auguste,
qui, du reste, par leur simplicité même dans la grandeur,
Page:Aulu-Gelle - Œuvres complètes, éd. Charpentier et Blanchet, 1919, I.djvu/9
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V
NOTICE SUR AULU-GELLE