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Relat. du Voyage

ils trouvoient que c’étoit grand marché, & pour moy je trouvois bien le contraire : Mais je vous l′ai déjà dit, ma chère Couſine, quand on voyage en ce Païs ici, il faut faire proviſion de bonne heure de patience & d’argent.

Je vis le Château d’Artois qui paroit aſſez fort ; & un peu plus loin Grognes, où l’on ne parle que Biſcain, ſans ſe ſervir de la Langue Françoiſe ni de l′Eſpagnolle. Je n’avois deſſein que d’aller coucher à Iron, qui n’eſt éloigné de Saint Jean de Luz que de trois petites lieues, & j’étois partie après midi : mais la diſpute que nous avions eue avec les Gardes du Pont, la peine que nous eûmes à paſſer les Montagnes de Beotie, & le mauvais tems joint à d’autres petits embarras qui ſurvinrent, furent cauſe que nous n’arrivâmes qu’a la nuit au bord de la riviere de Bidaſſoa, qui ſepare la France de l’Eſpagne. Je remarquai le long du chemin depuis Bayonne juſques là, des petits Chariots ſur leſquels on met toutes les choſes que l’on tranſporte, il n’y a que deux roues qui ſont de fer ; & le bruit en eſt ſi grand, qu’on les entend d’un quart de lieue lorſqu’il y en a pluſieurs enſemble, ce qui arrive toujours, car on en rencontre ſoixante & quatre vingt à la fois : ce ſont des Bœufs qui les traînent. J’en ai vu de pareils dans les Landes de Bordeaux & particulièrement du côté d’Axe.

La Riviere de Bidaſoa eſt d’ordinaire