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Relat. du Voyage

Coffres à Paris tout exprès, pour n’avoir rien à démêler avec eux : mais ils furent plus fins, ou pour mieux dire plus opinâtres que moi, & il leur fallut donner tout ce qu’ils demandèrent ; j’en étois encore dans le premier mouvement de chagrin, lorſque les Tambours, les Trompettes, les Violons, les Flûtes & les Tabourins de la Ville me vinrent faire deſeſperer ; ils me ſuivirent bien plus loin que la Porte Saint Antoine, qui eſt celle par où l’on ſort quand on va en Eſpagne par la Biſcaye ; ils joüoient chacun à leur mode & tous à la fois, ſans s’accorder ; c’étoit un vrai charivari. Je leur fis donner quelque argent ; & comme ils ne vouloient que cela, ils prirent promtement congé de moi. Auſſitôt que nous eûmes quitté Bayonne, nous entrâmes dans une campagne ſterile, où nous ne vîmes que des Châtaigniers : mais nous paſſâmes enſuite le long du rivage de la Mer, dont le ſable fait un beau chemin, & la vûë eſt fort agréable en ce lieu.

Nous arrivâmes d’aſſez bonne heure à Saint Jean de Luz ; il ne ſe peut rien voir de plus joli ; c’eſt le plus grand Bourg de France & le mieux bâti, il y a bien des Villes beaucoup plus petites ; ſon Port de Mer eſt entre deux hautes Montagnes, qu’il ſemble que la Nature a placées exprès pour le garantir des orages ; la rivière de Nivelle s’y dégorge, la Mer y remonte fort haut, & les grandes Barques viennent