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d’Espagne.

les voix, l’on ne pouvoit guère avoir de plaiſir à les entendre, parce qu’ils n’ont ni la méthode ni la belle manière du chant. J’ai remarqué dans toute la Guyenne & vers Bayonne, que l’on y a de la voix naturellement, & qu’il n’y manque que de bons Maîtres.

Les Lictieres que l’on devoit m’envoyer d’Eſpagne étant arrivées, je ſongeai à mon départ : mais je vous aſſure que je n’ai jamais rien vu de plus cher que ces ſortes d’Equipages ; car chacune des Littieres a ſon Maître qui l’accompagne ; il garde la gravité d’un Sénateur Romain, monté ſur un Mulet & ſon Valet ſur un autre, dont ils relayent de tems en tems ceux qui portent les Littieres ; j’en avois deux, je pris la plus grande pour moi & pour mon enfant ; j’avois outre cela quatre Mulles pour mes gens, & deux autres pour mon Bagage. Pour les conduire, il y avoit encore deux Maîtres & deux Valets ; voyez quelle miſere de payer cette quantité de gens inutiles pour aller juſqu’à Madrid, & pour en revenir auſſi, parce qu’ils comptent leur retour au même prix : mais il faut s’accommoder à leur uſage, & ſe ruiner avec eux ; car ils traitent les François, ce qui s’appelle de Turc à Maure.

Sans ſortir de Bayonne, je trouvai des Turcs & des Maures, & je croi même quelque choſe de pis ; ce ſont les gens de la Doüanne ; j’avois fait plomber mes