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Relat. du Voyage

rent fort honnêtes pour une Dame qu’elles ne connoiſſoient que depuis trois ou quatre jours ; mais il ne faut pas que j’oublie de vous dire, qu’on ne peut voir de plus beau linge que celui que l’on fait en ce Païs-là ; il y en a d’ouvré, & d’autre qui ne l’eſt point. La toile en eſt faite d’un fil plus fin que les cheveux ; & le beau linge y eſt ſi commun, qu’il me ſouvient qu’en paſſant les Landes de Bordeaux, qui font des Deſerts où l’on ne rencontre que des Chaumières & des Païſans qui font compaſſion par leur extrême pauvreté, je trouvai qu’ils ne laiſſoient pas d’avoir d’auſſi belles ſerviettes que les gens de qualité en ont à Paris.

Je ne manquai pas de renvoyer à ces Dames de petits preſens, que je crûs qui leur feroient plaiſir. Je m’étois apperçûë qu’elles aimoient paſſionnément les Rubans, & elles en mettent quantité ſur leur tête & à leurs oreilles ; je leur en envoyai beaucoup, & je joignis à cela pluſieurs beaux Evantails ; en revanche elles me donnèrent des Gands & des Bas de fil d’une fineſſe admirable.

En me les envoyant, elles me convièrent d’aller au Salut aux Peres Prêcheurs, qui n’étoient pas éloignez de ma Maiſon ; elles ſçavoient que j’ai quelque goût pour la Muſique, & elles voulurent me regaler de ce qu’il y avoit de plus excellent dans la Ville ; mais encore qu’il y eût de très-bel