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d’Espagne.

voir : mais cela dura un peu trop longtems ; & je commençois à me laſſer de ce bal mal-ordonné, lorſque le Baron de Caſtelnau qui s’en apperçût, fit apporter pluſieurs Baſſins de très belles Confitures ſeiches. Ce ſont des Juifs qui paſſent pour Portugais, & qui demeurent à Bayonne, qui les font venir de Gennes ; ils en fourniſſent tout le Païs. On ſervit quantité de Limonades, & d’autres Eaux glacées, dont ces belles Dames burent à longs traits, & la Fête finit ainſi.

On me mena le lendemain voir la Synagogue des Juifs au Fauxbourg du Saint Eſprit ; je n’y trouvai rien de remarquable ; Monfieur de S. Pé, Lieutenant de Roi, qui m’étoit venu voir, quoiqu’il fut fort incommodé de la goûte, me convia de diner chez lui. J’y fis un repas tres-delicat & magnifique, car c’eſt un Païs admirable pour la bonne chere ; tout y eſt en abondance & à très-grand marché. J’y trouvai des femmes de Qualité extrêmement bien faites, qu’il avoit priées pour me tenir compagnie. La vûë du Château qui donne ſur la Riviere eſt fort belle ; il y a toujours une bonne Garniſon.

Lorſque je fus de retour chez moi, je demeurai ſurpriſe d’y trouver pluſieurs pièces de toile qu’on m’avoit apportées de la part des Dames qui m’étoient venuës voir, avec des quaiſſes pleines de Confitures ſeiches & de Bougies. Ces manieres me paru