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LA BONNE PETITE SOURIS.

Elle entre dans sa bouche et lui grignote la langue, les lèvres, les joues. L’on entre, on le voit épouvantable, qui ne pouvait presque plus parler, tant il avait mal à la langue ; il fit signe que c’était une souris ; on cherche dans la paillasse, dans le chevet, dans les petits coins, elle n’y était déjà plus ; elle courut faire pis au fils, et lui mangea son bon œil (car il était déjà borgne). Il se leva comme un furieux, l’épée à la main ; il était aveugle, il courut dans la chambre de son père, qui de son côté avait pris son épée, tempêtant et jurant qu’il allait tout tuer, si l’on n’attrapait la souris.

Quand il vit son fils si désespéré, il le gronda, et celui-ci qui avait les oreilles échauffées, ne reconnut pas la voix de son père, il se jeta sur lui. Le méchant roi, en colère, lui donna un grand coup d’épée, il en reçut un autre ; ils tombèrent tous deux par terre, saignant comme des bœufs. Tous leurs sujets qui les haïssaient mortellement, et qui ne les servaient que par crainte, ne les craignant plus, leur attachèrent des cordes aux pieds, et les traînèrent dans la rivière, disant qu’ils étaient bienheureux d’en être quittes.

Voilà le méchant roi tout mort et son fils aussi. La bonne fée qui savait cela, fut quérir la reine, elles allèrent à la tour noire, où Joliette était enfermée sous plus de quarante clés. La fée frappa trois fois avec une petite baguette de coudre à la grosse porte qui s’ouvrit, et les autres de même ; elles trouvèrent la pauvre princesse bien triste, qui ne disait pas un petit mot. La reine se jeta à son cou : Ma chère mignonne, lui dit-elle, je suis ta maman, la reine