Page:Aulnoy - Les contes choisis, 1847.djvu/95

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
71
LA BONNE PETITE SOURIS.

tout. Jamais, au grand jamais, il ne s’est vu une si belle fille ; ils n’osaient lui parler, la prenant pour une princesse. Elle leur dit fort civilement : « Je vous prie, dites-moi qui vous cherchez ici ? — Madame, dirent-ils, nous cherchons une petite malheureuse, qu’on appelle Joliette. — Hélas ! c’est moi, dit-elle ; qu’est-ce que vous me voulez ? Ils la prirent vitement, et lièrent ses pieds et ses mains avec de grosses cordes, de peur qu’elle ne s’enfuît. Ils la menèrent de cette manière au méchant roi, qui était avec son fils. Quand il la vit si belle, il ne laissa pas d’être un peu ému ; sans doute qu’elle lui aurait fait pitié, s’il n’avait pas été le plus méchant et le plus cruel du monde. Il lui dit : Ha, ha petite friponne, petite crapaude, vous ne voulez donc pas aimer mon fils ? Il est cent fois plus beau que vous ; un seul de ses regards vaut mieux que toute votre personne. Allons, aimez-le tout à l’heure, ou je vais vous écorcher. La princesse, tremblante comme un petit pigeon, se mit à genoux devant lui, et lui dit : Sire, je vous prie de ne me point écorcher, cela fait trop de mal ; laissez-moi un ou deux jours pour songer à ce que je dois faire, et puis vous serez le maître. Son fils, désespéré, voulait qu’elle fût écorchée. Ils conclurent ensemble de l’enfermer dans une tour où elle ne verrait pas seulement le soleil.

Là-dessus, la bonne fée arriva dans le char volant, avec la reine ; elles apprirent toutes ces nouvelles ; aussitôt la reine se mit à pleurer amèrement disant qu’elle était toujours malheureuse, et qu’elle aimerait mieux que sa fille fût morte, que d’épouser le fils du méchant roi. La fée lui