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LA BONNE PETITE SOURIS.

un torchon gras sur sa tête. Il y avait là des habits d’or et d’argent, des diamants, des perles, des rubans, des dentelles qui traînaient à terre ; les dindons se juchaient dessus, les crottaient et les gâtaient. La dindonnière était assise sur une grosse pierre ; le fils du méchant roi, qui était tordu, borgne et boiteux, lui disait rudement : Si vous me refusez votre cœur, je vous tuerai. Elle lui répondait fièrement : Je ne vous épouserai point, vous êtes trop laid, vous ressemblez à votre cruel père. Laissez-moi en repos avec mes petits dindons ; je les aime mieux que toutes vos braveries.

La petite souris la regardait avec admiration ; car elle était aussi belle que le soleil. Dès que le fils du méchant roi fut sorti, la fée prit la figure d’une vieille bergère, et lui dit : Bonjour, ma mignonne, voilà vos dindons en bon état. La jeune dindonnière regarda cette vieille avec des yeux pleins de douceur, et lui dit : L’on veut que je les quitte pour une méchante couronne ; que m’en conseillez-vous ? Ma petite fille, dit la fée, une couronne est fort belle ; vous n’en connaissez pas le prix ni le poids. Mais si fait, je le connais, repartit promptement la dindonnière, puisque je refuse de m’y soumettre ; je ne sais pourtant qui je suis, ni où est mon père, ni où est ma mère ; je me trouve sans parents et sans amis. — Vous avez beauté et vertu, mon enfant, dit la sage fée, qui valent plus que dix royaumes. Contez-moi, je vous prie, qui vous a donc mise ici, puisque vous n’avez ni père, ni mère, ni parents, ni amis ? — Une fée, appelée Cancaline, est cause que j’y suis venue ; elle me battait ; elle m’assom-