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LE RAMEAU D’OR

me dégrillonnerai. Ah ! si j’y trouvais ma bergère, que manquerait-il à ma félicité ?

Le grillon se hâta de sortir du fatal palais ; et sans savoir où il fallait aller, il se recommanda aux soins de la belle fée Bénigne, puis partit sans équipage et sans bruit ; car un grillon ne craint ni les voleurs, ni les mauvaises rencontres. Au premier gîte, qui fut dans le trou d’un arbre, il trouva une sauterelle fort triste ; elle ne chantait point. Le grillon ne s’avisant pas de soupçonner que ce fût une personne toute pleine d’esprit et de raison, lui dit : — Où va ainsi ma commère la sauterelle ? Elle lui répondit aussitôt : — Et vous, mon compère le grillon, où allez-vous ? Cette réponse surprit étrangement l’amoureux grillon. — Quoi ! vous parlez ? s’écria-t-il. — Hé ! vous parlez bien ! s’écria-t-elle. Pensez-vous qu’une sauterelle ait des privilèges moins étendus qu’un grillon ? — Je puis bien parler, dit le grillon, puisque je suis un homme. — Et par la même règle, dit la sauterelle, je dois encore plus parler que vous, puisque je suis une fille. — Vous avez donc éprouvé un sort semblable au mien, dit grillon. — Sans doute, dit la sauterelle. Mais encore, où allez-vous ? — Je serais ravi, ajouta le grillon, que nous fussions longtemps ensemble. Une voix qui m’est inconnue, répliqua-t-il, s’est fait entendre dans l’air. Elle a dit : « Laisse agir le destin, et cherche le Rameau d’Or. Il m’a semblé que cela ne pouvait être dit que pour moi. Sans hésiter, je suis parti, quoique j’ignore où je dois aller.

Leur conversation fut interrompue par deux souris qui