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LE RAMEAU D’OR

déchirée et mise en pièces à tes yeux par des tigres. — Ah ! madame, s’écria le prince en se jetant à ses pieds, je me dévoue volontiers à la mort pour sauver ma chère maîtresse ; épargnez ses jours en abrégeant les miens. — Il n’est pas question de ta mort, répliqua la fée, traître, il est question de ton cœur et de ta main. Pendant qu’ils parlaient, le prince entendait la voix de sa bergère qui semblait se plaindre. — Voulez-vous me laisser dévorer ? lui disait-elle. Si vous m’aimez, déterminez-vous à faire ce que la reine vous ordonne.

Le pauvre prince hésitait : Hé quoi ! Bénigne, s’écria-t-il, m’avez-vous donc abandonné, après tant de promesses ? Venez, venez nous secourir. Ces mots furent à peine prononcés, qu’il entendit une voix dans les airs, qui prononçait distinctement ces paroles :

« Laisse agir le destin ; mais sois fidèle, et cherche le « Rameau d’Or. »

La grande fée, qui s’était crue victorieuse par le secours de tant de différentes illusions, pensa se désespérer de trouver en son chemin un aussi puissant obstacle que la protection de Bénigne. — Fuis ma présence, s’écria-t-elle, prince malheureux et opiniâtre ; puisque ton cœur est rempli de tant de flammes, tu seras un grillon, ami de la chaleur et du feu.

Sur-le-champ, le beau et merveilleux prince Sans-Pair devint un petit grillon noir, qui se serait brûlé tout vif dans la première cheminée ou le premier four, s’il ne s’était souvenu de la voix favorable qui l’avait rassuré. — Il faut, dit-il, chercher le Rameau d’Or, peut-être que je