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LE RAMEAU D’OR

plus propre qu’on eût jamais vu à aucunes bergères ; sa ceinture était de petites roses et de jasmins, ses cheveux ornés de fleurs ; elle trouva une houlette peinte et dorée auprès d’elle, avec un troupeau de moutons qui paissaient le long du rivage, et qui entendaient sa voix ; jusqu’au chien du troupeau, il semblait la connaître, et la caressait.

Quelles réflexions ne faisait-elle point sur des prodiges si nouveaux ! Elle était née, et elle avait vécu jusqu’alors la plus laide de toutes les créatures ; mais elle était princesse. Elle devenait plus belle que l’astre du jour ; elle n’était plus qu’une bergère, et la perte de son rang ne laissait pas de lui être sensible.

Ces différentes pensées l’agitèrent jusqu’au moment où elle s’endormit. Elle avait veillé toute la nuit, (comme je l’ai déjà dit), et le voyage qu’elle avait fait, sans s’en apercevoir, était de cent lieues : de sorte qu’elle s’en trouvait un peu lasse. Ses moutons et son chien, rassemblés à ses côtés, semblaient la garder, et lui donner les soins qu’elle leur devait. Le soleil ne pouvait l’incommoder, quoiqu’il fût dans toute sa force ; les arbres touffus l’en garantissaient ; et l’herbe fraîche et fine, sur laquelle elle s’était laissée tomber, paraissait orgueilleuse d’une charge si belle.

Les oiseaux y faisaient de doux concerts, et les zéphirs retenaient leur haleine, dans la crainte de l’éveiller. Un berger, fatigué de l’ardeur du soleil, ayant remarqué de loin cet endroit, s’y rendit en diligence ; mais lorsqu’il vit la jeune Brillante, il demeura si surpris, que sans un arbre