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LE RAMEAU D’OR

n’est point une illusion ; vous en ressentirez les effets, dès que vous voudrez me dire quel don vous désirez. — Si je demandais tous ceux dont j’aurais besoin pour être parfaite, dit-elle, quelque pouvoir que vous ayez, il vous serait difficile d’y satisfaire ; mais je m’en tiens au plus essentiel : rendez mon âme aussi belle que mon corps est laid et difforme. — Ah ! princesse, s’écria le roi Trasimène, vous me charmez par un choix si juste et si élevé ; mais qui est capable de le faire est déjà accomplie : votre corps va donc devenir aussi beau que votre âme et que votre esprit. Il toucha la princesse avec le portrait de la fée ; elle entend cric, croc dans tous ses os ; ils s’allongent, ils se remboîtent : elle est droite, elle a le teint plus blanc que du lait, tous les traits réguliers, un air majestueux et modeste, une physionomie fine et agréable. — Quel prodige ! s’écrie-t-elle. Est-ce moi ? Est-ce une chose possible ? — Oui, madame, reprit Trasimène, c’est vous ; le sage choix que vous avez fait de la vertu vous attire l’heureux changement que vous éprouvez. Quel plaisir pour moi, après ce que je vous dois, d’avoir été destiné pour y contribuer ! Mais quittez pour toujours le nom de Trognon ; prenez celui de Brillante, que vous méritez par vos lumières et par vos charmes. Dans ce moment il disparut ; et la princesse sans savoir par quelle voiture elle était allée, se trouva au bord d’une petite rivière, dans un lieu ombragé d’arbres, le plus agréable de la terre.

Elle ne s’était point encore vue ; l’eau de cette rivière était si claire, qu’elle connut avec une surprise extrême qu’elle était la même bergère dont elle avait tant admiré le portrait sur les vitres de la galerie. En effet, elle avait comme elle un habit blanc, garni de dentelles fines, le