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LE RAMEAU D’OR

quelque chose de si persuasif, qu’elle n’hésita pas à obéir ; elle replaça les tiroirs et les raretés comme elle les avait trouvés, sans en prendre aucune. Ses gardes, qui craignaient qu’elle ne leur échappât à son tour, ne l’ayant point vue dans sa chambre, la cherchèrent et demeurèrent surpris de la rencontrer dans un lieu où elle ne pouvait, disaient-ils, monter que par enchantement.

Elle fut trois jours sans rien voir ; elle n’osait ouvrir la belle boîte d’escarboucle, parce que la main coupée lui faisait trop grand’peur. Enfin, une nuit elle entendit du bruit contre sa fenêtre ; elle ouvrit son rideau, et elle aperçut au clair de lune un aigle qui voltigeait. Elle se leva comme elle put, et se traînant dans la chambre, elle ouvrit la fenêtre. L’aigle entra, faisant grand bruit avec ses ailes, en signe de réjouissance ; elle ne différa pas à lui présenter la main, qu’il prit avec ses serres, et un moment après elle ne l’aperçut plus ; il y avait à sa place un jeune homme, le plus beau et le mieux fait qu’elle eût jamais vu ; son front était ceint d’un diadème, son habit couvert de pierreries. Il tenait dans sa main un portrait ; et prenant le premier la parole : Princesse, dit-il à Trognon, il y a deux cents ans qu’un perfide enchanteur me retient en ces lieux. Nous aimions l’un et l’autre l’admirable fée Bénigne : j’étais souffert, il était jaloux. Son art surpassait le mien ; et voulant s’en prévaloir pour me perdre, il me dit d’un air absolu, qu’il me défendait de la voir davantage. Une telle défense ne convenait ni à mon amour, ni au rang que je tenais : je le menaçai ; et la belle que j’adore se trouva si offensée de la conduite de l’en-