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LE RAMEAU D’OR

rentes choses, quand il entendit une musique charmante ; elle était composée de rossignols et de serins, qui accordaient si bien leur ramage, qu’ils surpassaient les plus agréables voix. Aussitôt un aigle, d’une grandeur extraordinaire, entra ; il volait doucement, et tenait dans ses serres un rameau d’or chargé de rubis, qui formaient des cerises. Il attacha fixement ses yeux sur la belle endormie ; il semblait voir son soleil ; et déployant ses grandes ailes, il planait devant elle, tantôt s’élevant, et tantôt s’abaissant jusqu’à ses pieds.

Après quelques moments, il se tourna vers le prince, et s’en approcha, mettant dans sa main le rameau d’or cerisé ; les oiseaux qui chantaient poussèrent alors des tons qui percèrent les voûtes du palais. Le prince jugea que cette dame était enchantée ; il s’avance vers elle, il met un genou en terre, il la frappe avec le rameau, et lui dit : Belle et charmante personne, je vous conjure au nom de Trasimène de rentrer dans toutes les fonctions de la vie. La dame ouvre les yeux, aperçoit l’aigle, et s’écrie : — Arrêtez, cher amant, arrêtez. Mais l’oiseau royal jette un cri aussi aigu que douloureux, et il s’envole avec ses petits musiciens emplumés.

La dame se tournant en même temps vers Torticoli : J’ai écouté mon cœur plutôt que ma reconnaissance, lui dit-elle ; je sais que je vous dois tout, et que vous me rappelez à la lumière, que j’ai perdue depuis deux cents ans. L’enchanteur qui m’aimait, et qui m’a fait souffrir tant de maux, vous avait réservé cette grande aventure ; j’ai le pouvoir de vous servir, j’en ai un désir passionné, et voyez ce que vous souhaitez ;