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LE RAMEAU D’OR

ses jambes mal assurées le soutenaient avec peine. Il s’assit par terre, tenant encore la boîte, détournant les yeux d’un objet si funeste ; il avait grande envie de la remettre où il l’avait prise, mais il pensait que tout ce qui s’était passé jusqu’alors, n’était point arrivé sans de grands mystères. Il se souvenait de ce que la petite figure du livre lui avait dit : que selon qu’il en userait, il s’en trouverait bien ou mal ; il craignait autant l’avenir que le présent. Et venant à se reprocher une timidité indigne d’une grande âme, il fit un effort sur lui-même ; puis attachant les yeux sur cette main : Ô main infortunée ! dit-il, ne peux-tu par quelques signes m’instruire de ta triste aventure ? Si je suis en état de te servir, assure-toi de la générosité de mon cœur.

Cette main à ces paroles parut agitée, et remuant les doigts, elle fit des signes, dont il entendit aussi bien le discours, que si une bouche intelligente lui eût parlé. Apprends, dit la main, que tu peux tout pour celui dont la barbarie d’un jaloux m’a séparée. Tu vois dans ce portrait l’adorable beauté qui est cause de mon malheur : va sans différer dans la galerie, prends garde à l’endroit où le soleil darde ses plus ardents rayons, cherche, et tu trouveras mon trésor. La main cessa alors d’agir ; le prince lui fit plusieurs questions, à quoi elle ne répondit point. Où vous remettrai-je ? lui dit-il. Elle lui fit de nouveaux signes ; il comprit qu’il fallait la remettre dans l’armoire : il n’y manqua pas. Tout fut refermé ; il serra le tire-bourre dans le même mur où il l’avait pris, et s’étant un peu aguerri sur les prodiges, il descendit dans la galerie.