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LE RAMEAU D’OR

négliger les moyens d’en savoir davantage ; peut-être que je les apprendrai dans le donjon. Il y monta, et frappant contre le mur, il lui sembla qu’un endroit était creux ; il prit un marteau, et démaçonna cet endroit, et trouva un tire-bourre d’or fort proprement fait. Il ignorait encore à quel usage il devait lui servir, lorsqu’il aperçut dans un coin du donjon une vieille armoire de méchant bois. Il voulut l’ouvrir, mais il ne put trouver de ferrures ; de quelque côté qu’il la tournât, c’était une peine inutile. Enfin il vit un petit trou, et soupçonnant que le tire-bourre lui serait utile, il l’y mit ; puis tirant avec force, il ouvrit l’armoire. Mais autant qu’elle était vieille et laide par dehors, autant était-elle belle et merveilleuse par dedans ; tous les tiroirs étaient de cristal de roche gravé, ou d’ambre, ou de pierres précieuses ; quand on en avait tiré un, l’on en trouvait de plus petits aux côtés, dessus, dessous et au fond, qui étaient séparés par de la nacre de perle. On tirait cette nacre, et les tiroirs ensuite ; chacun était rempli des plus belles armes du monde, de riches couronnes, de portraits admirables. Le prince Torticoli était charmé ; il tirait toujours sans se lasser. Enfin il trouva une petite clé, faite d’une seule émeraude, avec laquelle il ouvrit un guichet d’or qui était dans le fond ; il fut ébloui d’une brillante escarboucle qui formait une grande boîte. Il la tira promptement du guichet ; mais que devint-il, lorsqu’il la trouva toute pleine de sang, et la main d’un homme qui était coupée, laquelle tenait encore une boîte de portrait !

Á cette vue Torticoli frémit, ses cheveux se hérissèrent,