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LE RAMEAU D’OR

grande n’avait pas un quartier de haut. Il y en eut une qui se tournant vers le prince : Á ta santé, Torticoli, lui dit-elle, songe à nous rendre notre reine, si tu le fais, tu t’en trouveras bien ; si tu y manques, tu t’en trouveras mal.

Á ces paroles, le prince fut saisi d’une si violente peur, car il y avait déjà quelque temps qu’il commençait à trembler, qu’il laissa tomber le livre d’un côté, et il tomba de l’autre comme un homme mort. Au bruit de sa chute, ses gardes accoururent ; ils l’aimaient chèrement, et ne négligèrent rien pour le faire revenir de son évanouissement. Lorsqu’il se trouva en état de parler, ils lui demandèrent ce qu’il avait ; il leur dit qu’on le nourrissait si mal, qu’il n’y pouvait résister, et qu’ayant la tête pleine d’imaginations, il s’était figuré de voir et d’entendre des choses si surprenantes dans ce livre, qu’il avait été saisi de peur. Ses gardes affligés, lui donnèrent à manger, malgré toutes les défenses du roi Brun. Quand il eut mangé, il reprit le livre devant eux, et ne trouva plus rien de ce qu’il avait vu ; cela lui confirma qu’il s’était trompé.

Il retourna le lendemain dans la galerie ; il vit encore les peintures sur les vitres, qui se remuaient, qui se promenaient dans des allées, qui chassaient de cerfs et des lièvres, qui pêchaient, ou qui bâtissaient de petites maisons ; car c’étaient des miniatures fort petites, et son portrait était toujours partout. Il avait un habit semblable au sien, il montait dans le donjon de la tour, et il y trouvait le tire-bourre d’or. Comme il avait bien mangé, il n’y avait plus lieu de croire qu’il entrât de la vision dans cette affaire. Ceci est trop mystérieux, dit-il, pour que je doive