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LE RAMEAU D’OR

où il trouvait un tire-bourre d’or, avec lequel il ouvrait un cabinet. Il y avait encore beaucoup d’autres choses qui frappèrent son imagination ; et sur la plupart des vitres, il voyait toujours son portrait. Par quelle aventure, disait-il, me fait-on faire ici un personnage, moi qui n’étais pas encore né ? Et par quelle fatale idée le peintre s’est-il diverti à faire un homme comme moi ? Il voyait sur ces vitres une belle personne, dont les traits étaient si réguliers, et la physionomie si spirituelle, qu’il ne pouvait en détourner les yeux. Enfin il y avait mille objets différents, et toutes les passions y étaient si bien exprimées, qu’il croyait voir arriver ce qui n’était représenté que par le mélange des couleurs.

Il ne sortit de la galerie que lorsqu’il n’eut plus assez de jour pour distinguer ces peintures. Quand il fut retourné dans sa chambre, il prit un vieux manuscrit qui lui tomba le premier sous la main ; les feuilles en étaient de vélin, peintes tout autour, et la couverture d’or émaillé de bleu, qui formait des chiffres. Il demeura bien surpris d’y voir les mêmes choses qui étaient sur les vitres de la galerie ; il tâchait de lire ce qui était écrit ; il n’en put venir à bout. Mais tout d’un coup il vit que dans un des feuillets où l’on représentait des musiciens, ils se mirent à chanter ; et dans un autre feuillet, où il y avait des joueurs de bassette et de tric-trac, les cartes et les dés allaient et venaient. Il tourna le vélin : c’était un bal où l’on dansait ; toutes les dames étaient parées, et d’une beauté merveilleuse. Il tourna encore le feuillet : il sentit l’odeur d’un excellent repas ; c’étaient les petites figures qui mangeaient : la plus