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LA PRINCESSE ROSETTE.

ne dura guère ; il n’y eut qu’à voir le portrait de la véritable princesse Rosette auprès de celle qui était venue, et qui disait l’être ; de sorte qu’on les condamna d’avoir le col coupé, comme étant menteurs, puisqu’ils avaient promis une belle princesse au roi, et qu’ils ne lui avaient donné qu’une laide paysanne.

L’on fut à la prison en grand appareil leur lire cet arrêt, et ils s’écrièrent qu’ils n’avaient point menti ; que leur sœur était princesse, et plus belle que le jour ; qu’il y avait quelque chose là-dessous qu’ils n’entendaient pas, et qu’ils demandaient encore sept jours, avant qu’on les fît mourir. Le roi des paons, qui était fort en colère, eut bien de la peine à leur accorder cette grâce ; mais enfin il y consentit.

Pendant que toutes ces affaires se passaient à la cour, il faut dire quelque chose de la pauvre princesse Rosette. Dès qu’il fut jour, elle demeura bien étonnée, et Frétillon aussi, de se voir au milieu de la mer sans bateau et sans secours. Elle se prit tant à pleurer, qu’elle faisait pitié à tous les poissons. Assurément, disait-elle, j’ai été jetée dans la mer par l’ordre du roi des paons ; il s’est repenti de m’épouser, et pour se défaire de moi, il m’a fait noyer. Là-dessus elle pleurait plus fort ; car elle ne pouvait s’empêcher de penser à ses frères qui l’aimaient tant.

Elle demeura deux jours ainsi flottante d’un côté et de l’autre de la mer, mouillée jusqu’aux os, enrhumée à mourir, et presque transie ; si ce n’avait été le petit Frétillon, qui lui réchauffait un peu le cœur, elle serait morte cent fois elle avait une faim épouvantable. Elle vit des huîtres, elle en prit tant qu’elle en voulut, et elle en man-