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LA PRINCESSE ROSETTE.

bouteille de vin, et le fit tant boire, qu’il ne savait plus la refuser.

La nuit étant venue, la princesse se coucha comme elle avait accoutumé ; son petit Frétillon était joliment couché au fond du lit, sans remuer ni pieds ni pattes. Rosette dormait de toute sa force, quand la méchante nourrice, qui ne dormait pas, s’en alla querir le batelier. Elle le fit entrer dans la chambre de la princesse ; puis sans la réveiller, ils la prirent avec son lit de plume, son matelas, ses draps, ses couvertures : la sœur de lait aidait de toute sa force. Ils jetèrent tout cela dans la mer ; et la princesse dormait de si bon sommeil, qu’elle ne se réveilla point.

Mais ce qu’il y eut d’heureux, c’est que son lit de plume était fait de plumes de phénix, qui sont fort rares, et qui ont cette propriété, qu’elles ne vont jamais au fond de l’eau ; de sorte qu’elle nageait dans son lit, comme si elle eût été dans un bateau. L’eau pourtant mouillait peu à peu son lit de plume, puis le matelas ; et Rosette sentant de l’eau, ne savait ce que cela voulait dire.

Comme elle se tournait d’un côté sur l’autre, Frétillon s’éveilla. Il avait le nez excellent ; il sentait les soles et les morues de si près, qu’il se mit à japper, à japper tant, qu’il éveilla tous les autres poissons. Ils commencèrent à nager ; les gros poissons donnaient de la tête contre le lit de la princesse, qui ne tenant à rien, tournait et retournait comme une pirouette. Dame ! elle était bien étonnée. Est-ce que notre bateau danse sur l’eau ? disait-elle. Je n’ai point habitude d’être si mal à mon aise que je suis cette nuit. Et toujours Frétillon qui jappait, et qui faisait une