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LA PRINCESSE ROSETTE.

au maillot. Mais la reine s’écria qu’elle souffrirait plutôt la mort elle-même ; qu’elle ne consentirait point à une si grande cruauté, et qu’il pensât à une autre chose.

Comme le roi et la reine n’avaient que cela dans l’esprit, on apprit à la reine qu’il y avait dans un grand bois proche de la ville un vieil ermite, qui couchait dans le tronc d’un arbre, que l’on allait consulter de partout. Elle dit : il faut que j’y aille aussi ; les fées m’ont dit le mal, mais elles ont oublié le remède. Elle monta de bon matin sur une belle petite mule blanche toute ferrée d’or, avec deux de ses demoiselles, qui avaient chacune un joli cheval. Quand elles furent près du bois, la reine et ses demoiselles descendirent par respect de cheval, et furent à l’arbre où l’ermite demeurait. Il n’aimait guère à voir des femmes ; mais quand il vit que c’était la reine, il lui dit : Vous, soyez la bienvenue ; que me voulez-vous ? Elle lui conta ce que les fées avaient dit de Rosette, et lui demanda conseil. Il lui dit qu’il fallait mettre la princesse dans une tour, sans qu’elle en sortît jamais. La reine le remercia, lui fit une bonne aumône, et revint tout dire au roi.

Quand le roi sut ces nouvelles, il fit vitement bâtir une grosse tour. Il y mit sa fille ; et pour qu’elle ne s’ennuyât point, le roi, la reine et les deux frères l’allaient voir tous les jours. L’aîné s’appelait le grand prince, et le cadet le petit prince. Ils aimaient leur sœur passionnément ; car elle était la plus belle et la plus gracieuse que l’on eût jamais vue, et le moindre de ses regards valait mieux que cent pistoles. Quand elle eut quinze ans, le grand prince disait au roi : Mon papa, ma sœur est assez grande