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LE MOUTON

son domestique ! Je ne m’étonne pas si elle prit la robe de satin blanc, sans penser à moi ; elle me croit indigne de ses réflexions, mais je veux prévenir son mauvais dessein avant qu’il ait lieu.

Il se leva tout en furie ; et quoiqu’il ne fût pas encore jour, il envoya quérir son capitaine des gardes, et lui dit, vous avez entendu le rêve que Merveilleuse a fait, il signifie des choses étranges contre moi. Je veux que vous la preniez tout à l’heure, que vous la meniez dans la forêt, et que vous l’égorgiez ; ensuite vous m’apporterez son cœur et sa langue, car je ne prétends pas être trompé, ou je vous ferai cruellement mourir. Le capitaine des gardes fut bien étonné d’entendre un ordre si barbare. Il ne voulut point contrarier le roi, crainte de l’aigrir davantage, et qu’il ne donnât cette commission à quelqu’autre. Il lui dit qu’il allait emmener la princesse, qu’il l’égorgerait et lui rapporterait son cœur et sa langue.

Il alla aussitôt dans sa chambre, qu’on eut bien de la peine à lui ouvrir, car il était fort matin. Il dit à Merveilleuse que le roi la demandait. Elle se leva promptement. Une petite mauresse, appelée Patypata, prit la queue de sa robe ; sa guenuche et son doguin qui la suivaient toujours, coururent après elle. Sa guenuche se nommait Grabugeon, et le doguin Tintin.

Le capitaine des gardes obligea Merveilleuse de descendre, et lui dit que le roi était dans le jardin pour prendre le frais ; elle y entra. Il fit semblant de le chercher, et ne l’ayant point trouvé : sans doute, dit-il, le roi a passé jusqu’à la forêt. Il ouvrit une petite porte, et la mena