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LE MOUTON

leur gouverneur dans un château, où elles apprenaient tous les jours de bonnes nouvelles du roi, tantôt qu’il avait pris une ville, puis gagné une bataille ; enfin, il fit tant qu’il vainquit ses ennemis, et les chassa de ses états ; puis il revint bien vite dans son château, pour revoir sa petite Merveilleuse qu’il aimait tant. Les trois princesses s’étaient fait faire trois robes de satin, l’une verte, l’autre bleue, et la dernière blanche ; leurs pierreries revenaient aux robes : la verte avait des émeraudes, la bleue des turquoises, la blanche des diamants ; et ainsi parées, elles furent au-devant du roi, chantant ces vers qu’elles avaient composés sur ses victoires :


Après tant d’illustres conquêtes,
Quel bonheur de revoir et son père et son roi !
Inventons des plaisirs, célébrons mille fêtes,
Que tout ici se soumette à sa loi,
Et tâchons de prouver quelle est notre tendresse,
Par nos soins empressés et nos chants d’allégresse.


Lorsqu’il les vit si belles et si gaies, il les embrassa tendrement, et fit à Merveilleuse plus de caresses qu’aux autres.

On servit un magnifique repas ; le roi et ses trois filles se mirent à table ; et comme il tirait des conséquences de tout, il dit à l’aînée : çà, dites-moi, pourquoi avez-vous pris une robe verte ? — Monseigneur, dit-elle, ayant su vos exploits, j’ai cru que le vert signifierait ma joie et l’espoir de votre retour. — Cela est fort bien dit, s’écria le roi. Et vous, ma fille, continua-t-il, pourquoi avez-vous