Page:Aulnoy - Contes des Fées (éd. Corbet), 1825.djvu/79

Cette page a été validée par deux contributeurs.
69
BLEU.

dez-vous. Mais la mauvaise confidente ne manqua pas d’aller avertir la reine de ce qui se passait, et de prendre ses ordres. Aussitôt elle pensa qu’il fallait envoyer sa fille à la petite fenêtre : elle l’instruisit bien ; et Truitonne ne manqua rien, quoiqu’elle fût naturellement une grande bête.

La nuit était si noire, qu’il aurait été impossible au roi de s’apercevoir de la tromperie qu’on lui faisait, quand bien il n’aurait pas été aussi prévenu qu’il l’était, de sorte qu’il s’approcha de la fenêtre avec des transports de joie inexprimables : il dit à Truitonne tout ce qu’il aurait dit à Florine, pour la persuader de sa passion. Truitonne, profitant de la conjoncture, lui dit qu’elle se trouvait la plus malheureuse personne du monde d’avoir une belle-mère si cruelle, et qu’elle aurait toujours à souffrir jusqu’à ce que sa fille fût mariée. Le roi l’assura que si elle le voulait pour son époux, il serait ravi de partager avec elle sa couronne et son cœur : là-dessus il tira sa bague de son doigt, et la mettant à celui de Truitonne, il ajouta que c’était un gage éternel de sa foi, et qu’elle n’avait qu’à prendre l’heure pour partir en diligence. Truitonne répondit le mieux qu’elle put à ses empressemens. Il s’apercevait bien qu’elle ne disait rien qui vaille ; et cela lui aurait fait de la peine, s’il n’eût été persuadé que la crainte d’être surprise par la reine, lui ôtait la liberté de son esprit : il ne la quitta qu’à condition de revenir le lende-