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AU BOIS.

que je ne saurais t’exprimer : ne suis-je pas bien malheureuse d’être obligée de fuir ce prince, lui qui m’est destiné par mes plus proches, lui qui m’aime et que j’aime ? Il faut qu’une méchante fée me prenne en aversion le jour de ma naissance, et trouble tous ceux de ma vie. » Elle se prit à pleurer. Giroflée la consola, et lui fit espérer que dans quelque temps ses peines seraient changées en plaisirs.

Le prince revint vers sa chère biche dès qu’il eut trouvé une fontaine ; mais elle n’était plus au lieu où il l’avait laissée. Il la chercha inutilement partout, et sentit autant de chagrin contr’elle que si elle avait dû avoir de la raison. Quoi ! s’écria-t-il, je n’aurai donc jamais que des sujets de me plaindre de ce sexe trompeur et infidèle ? » Il retourna chez la bonne vieille, plein de mélancolie : il conta à son confident l’aventure de Bichette, et l’accusa d’ingratitude. Becafigue ne put s’empêcher de sourire de la colère du prince ; il lui conseilla de punir la biche quand il la rencontrerait. « Je ne reste plus ici que pour cela, répondit le prince, ensuite nous partirons pour aller plus loin. »

Le jour revint, et avec lui la princesse reprit sa figure de biche blanche. Elle ne savait à quoi se résoudre, ou d’aller dans les mêmes lieux que le prince parcourait ordinairement ou de prendre une route tout opposée pour l’éviter. Elle choisit ce dernier parti, et s’éloigna beaucoup ; mais le jeune prince qui était aussi fin