En effet, le roi l’envoya chercher et lui demanda ce qu’il pouvait avoir pour que son humeur et sa personne fussent si changées. Le prince, croyant ce moment favorable, se jeta à ses pieds : « Vous avez résolu, lui dit-il, de me faire épouser la princesse Noire, vous trouverez des avantages dans son alliance, que je ne puis vous promettre dans celle de la princesse Désirée ; mais, seigneur, je trouve des charmes dans celle-ci, que je ne rencontrerai point dans l’autre. — Et où les avez-vous vus ? dit le roi. — Les portraits de l’une et de l’autre m’ont été apportés, répliqua le prince Guerrier (c’est ainsi qu’on le nommait depuis qu’il avait gagné trois grandes batailles) ; je vous avoue que j’ai pris une si forte passion pour la princesse Désirée, que si vous ne retirez les paroles que vous avez donné à la princesse Noire, il faut que je meure, heureux de cesser de vivre en perdant l’espérance d’être à ce que j’aime.
— C’est donc avec son portrait, reprit gravement le roi, que vous faites des conversations qui vous rendent ridicule à tous les courtisans ; ils vous croient insensé, et si vous saviez ce qui m’est revenu là-dessus, vous auriez honte de marquer tant de faiblesse. — Je ne puis me reprocher une si belle flamme, répondit-il ; lorsque vous aurez vu le portrait de cette charmante princesse, vous approuverez ce que je sens pour elle. — Allez donc le querir tout-à-l’heure, dit le roi avec un air d’impatience qui faisait assez connaitre son chagrin. » Le prince en au- -