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LA BONNE

fils du méchant roi fut sorti, la fée prit la figure d’une vieille bergère, et lui dit : « Bonjour, ma mignonne, voilà vos dindons en bon état. » La jeune dindonnière regarda cette vieille avec des yeux pleins de douceur, et lui dit : « L’on veut que je les quitte pour une méchante couronne ; que m’en conseillez-vous ? — Ma petite fille, dit la fée, une couronne est fort belle, vous n’en connaissez pas le prix ni le poids. — Mais si fait, je le connais, repartit promptement la dindonnière, puisque je refuse de m’y soumettre ; je ne sais pourtant qui je suis, ni où est mon père, ni où est ma mère : je me trouve sans parens et sans amis. Vous avez beauté et vertu, mon enfant, dit la sage fée, qui valent mieux que dix royaumes : contez-moi, je vous prie, qui vous a donc mise ici, puisque vous n’avez ni père, ni mère, ni parens, ni amis. — Une fée, appelée Cancaline, est cause que j’y suis venue ; elle me battait, elle m’assommait sans sujet et sans raison. Je m’enfuis un jour, et ne sachant où aller, je m’arrêtai dans un bois ; le fils du méchant roi s’y vint promener, il me demanda si je voulais servir à sa basse-cour. Je le voulus bien, j’eus soin des dindons ; il venait à tout moment les voir, et il me voyait aussi. Hélas ! sans que j’en eusse envie, il se mit à m’aimer tant et tant, qu’il m’importune fort. »

La fée, à ce récit, commença à croire que la dindonnière était la princesse Joliette ; elle lui dit : « Ma fille, apprenez-moi votre nom. — Je m’appelle Joliette, pour vous rendre service, dit-