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LA PRINCESSE

En ce lieu-là il y avait un bon vieillard qui vivait tout seul dans une petite chaumière, où personne n’allait jamais : il était fort pauvre, et ne se souciait pas des biens du monde. Quand il entendit japper Fretillon, il fut tout étonné, car il ne passait guère de chiens par-là ; il crut que quelques voyageurs se seraient égarés, il sortit pour les remettre charitablement dans leur chemin. Tout d’un coup il aperçut la princesse et Fretillon qui nageaient sur la mer ; et la princesse le voyant, lui tendit les bras, et lui cria : « Bon vieillard, sauvez-moi, car je périrai ici ; il y a deux jours que je languis. »

Lorsqu’il l’entendit parler si tristement, il en eut grande pitié, et rentra dans sa maison pour prendre un long crochet. Il s’avança dans l’eau jusqu’au cou, et pensa deux ou trois fois être noyé ; enfin il tira tant, qu’il amena le lit jusqu’au bord de l’eau. Rosette et Fretillon furent bien aises d’être à terre ; elle remercia bien fort le bonhomme, et prit sa couverture, dont elle s’enveloppa ; puis toute nu-pied elle entra dans la chaumière, où il lui alluma un petit feu de paille sèche, et tira de son coffre le plus bel habit de feue sa femme, avec des bas et des souliers, dont la princesse s’habilla. Ainsi vêtue en paysanne, elle était belle comme le jour, et Fretillon dansait autour d’elle pour la divertir.

Le vieillard voyait bien que Rosette était quelque grande dame ; car les couvertures de son lit étaient toutes d’or et d’argent, et son ma-