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GRACIEUSE

c’était un grand sauteur, le page le prit par la bride, et le conduisit, se tournant à tous momens vers la princesse pour avoir le plaisir de la regarder

Quand le cheval qu’on menait à Grognon parut auprès de celui de Gracieuse, il avait l’air d’une franche rosse ; et la housse du beau cheval était si éclatante de pierreries, que celle de l’autre ne pouvait entrer en comparaison. Le roi, qui était occupé de mille choses, n’y prit pas garde ; mais tous les seigneurs n’avaient des yeux que pour la princesse, dont ils admiraient la beauté, et pour son page vert, qui était lui seul plus joli que tous ceux de la cour.

On trouva Grognon en chemin, dans une calèche découverte, plus laide et plus mal bâtie qu’une paysanne. Le roi et la princesse l’embrassèrent : on lui présenta son cheval pour monter dessus ; mais voyant celui de Gracieuse : « Comment, dit-elle, celle créature aura un plus beau cheval que moi ! j’aimerais mieux n’être jamais reine et retourner à mon riche château, que d’être traitée d’une telle manière. » Le roi aussitôt commanda à la princesse de mettre pied à terre, et de prier Grognon de lui faire l’honneur de monter sur son cheval. La princesse obéit sans répliquer. Grognon ne la regarda ni ne la remercia ; elle se fit guinder sur le beau cheval. Il y avait huit gentilshommes qui la tenaient, de peur qu’elle ne tombât. Elle n’était pas encore contente ; elle gromelait des menaces entre ses dents. On lui demanda ce qu’elle avait :