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LUTIN

des maux qu’il m’a faits ; il exerce encore son pouvoir sur ce que j’aimais plus que ma vie ! Tels sont les décrets du destin, je ne puis m’y opposer. Retirez-vous, Abricotine, je ne veux plus entendre parler de cette fille, dont les sentimens me donnent tant de chagrin ! »

Abricotine vint apprendre à la princesse ces mauvaises nouvelles ; il ne s’en fallut presque rien qu’elle ne se désespérât. Lutin était auprès d’elle sans qu’elle le vit : il connaissait avec une peine extrême l’excès de sa douleur. Il n’osa lui parler dans ce moment ; mais il se souvint que Furibon était fort intéressé, et qu’en lui donnant bien de l’argent, peut-être qu’il se retirerait.

Il s’habilla en amazone, il se souhaita dans la forêt pour reprendre son cheval. Dès qu’il l’eût appelé Gris-de-Lin, Gris-de-Lin vint à lui, sautant et bondissant ; car il s’était bien ennuyé d’être si long-temps éloigné de son cher maître. Mais quand il le vit vêtu en femme, il ne le reconnaissait plus, et craignait d’être trompé. Léandre arriva au camp de Furibon : tout le monde le prit pour une amazone tant il était beau. On fut dire au roi qu’une jeune dame demandait à lui parler de la part de la princesse des plaisirs tranquilles. Il prit prompte son manteau royal, et se mit sur son trône : l’on eût dit que c’était un gros crapaud qui contrefaisait le roi.

Léandre le harangua, et lui dit que la princesse préférant une vie douce et paisible aux embarras