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BLEU.

chérissez, noyé dans son sang. » L’enchanteur, tout surpris, regardait de tous côtés sans rien voir. « Je suis Oiseau Bleu, dit le roi, d’une voix faible et languissante. » À ces mots l’enchanteur le trouva sans peine dans son petit nid. Un autre que lui aurait été étonné plus qu’il ne le fut ; mais il n’ignorait aucun tour de l’art nécromancien : il ne lui en coûta que quelques paroles pour arrêter le sang qui coulait encore ; et avec des herbes qu’il trouva dans le bois, et sur lesquelles il dit deux mots de grimoire il guérit le roi aussi parfaitement que s’il n’avait pas été blessé.

Il le pria ensuite de lui apprendre par quelle aventure il était devenu oiseau, et qui l’avait blessé si cruellement. Le roi contenta sa curiosité : il lui dit que c’était Florine qui avait décelé le mystère amoureux des visites secrètes qu’il lui rendait ; et que, pour faire sa paix avec la reine, elle avait consenti à laisser garnir le cyprès de poignards et de rasoirs, par lesquels il avait été presque haché : il se récria mille fois sur l’infidélité de cette princesse, et dit qu’il s’estimerait heureux d’être mort avant que d’avoir connu son méchant cœur. Le magicien se déchaîna contr’elle et contre toutes les femmes ; il conseilla au roi de l’oublier. « Quel malheur serait le vôtre, lui dit-il, si vous étiez capable d’aimer plus long-temps cette ingrate ? Après ce qu’elle vient de vous faire, l’on en doit tout craindre. » L’oiseau Bleu n’en put demeurer d’accord, il aimait encore trop Florine ;