suivre cette campagne démocratique avec une hardiesse chaque jour croissante. Il osa même s’attaquer au club des Jacobins, en juillet 1790[1] : « Qu’attendre de ces assemblées d’imbéciles, qui ne rêvent qu’égalité, qui se vantent d’être frères, et qui excluent de leur sein les infortunés qui les ont affranchis ? » Ce n’est pas qu’il croie à la sagesse du peuple, ni qu’il le flatte toujours. Au lendemain des journées d’octobre 1789, il avait écrit[2] : « Ô mes concitoyens, hommes frivoles et insouciants, qui n’avez de suite ni dans vos idées, ni dans vos actions, qui n’agissez que par boutades, qui pourchassez un jour avec intrépidité les ennemis de la patrie, et qui, le lendemain, vous abandonnez aveuglément à leur foi, je vous tiendrai en haleine, et, en dépit de votre légèreté, vous serez heureux, ou je ne serai plus. » Au besoin, il prodigue au peuple les épithètes d’esclaves, d’imbéciles[3]. Il veut que ce peuple soit mené par un homme sage. Il rêve peut être pour lui même une dictature de la persuasion. Plus tard, c’est un dictateur quelconque qu’il demandera. C’est une démocratie césarienne qu’il voudrait, mais il est, à sa manière et depuis qu’il a vu fonctionner le régime censitaire, partisan du suffrage universel.
C’est ainsi que, césarien chez Marat, libéral chez la plupart, s’annonce déjà, surtout dans les journaux, un parti démocratique, dont le programme est alors d’obtenir la suppression du cens en général (et c’est le programme des plus avancés), ou tout au moins (et c’est le programme des politiques pratiques) la suppression du cens d’éligibilité, une atténuation des effets les plus anti-populaires du système bourgeois qui vient de s’établir.