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paieraient volontairement la contribution nécessaire, la Chronique s’indigna du rejet de cette motion[1].

Il y a peu de chose dans le Patriote français sur le régime censitaire. Je vois seulement qu’à propos de la séance du 3 décembre 1789 et du décret sur le marc d’argent, ce journal dit : « On le maintenait par opiniâtreté, par envie d’humilier les citoyens peu aisés, par la manie de vouloir faire des classes dans la société[2]. »

Les deux journalistes qui, à cette occasion, manifestèrent avec le plus de netteté leurs opinions démocratiques furent Camille Desmoulins et Loustallot.

Le premier s’exprima ainsi : « Il n’y a qu’une voix dans la capitale, bientôt il n’y en aura qu’une dans les provinces contre le décret du marc d’argent. Il vient de constituer la France en gouvernement aristocratique, et c’est la plus grande victoire que les mauvais citoyens aient remportée à l’Assemblée nationale. Pour faire sentir toute l’absurdité de ce décret, il suffit de dire que Jean-Jacques Rousseau, Corneille, Mably n’auraient pas été éligibles. Un journaliste a publié que, dans le clergé, le cardinal de Rohan, seul, a voté contre te décret ; mais il est impossible que les Grégoire, Massieu, Dillon, Jallet, Joubert, Gouttes, et un certain moine qui est des meilleurs citoyens[3], se soient déshonorés à la fin de la campagne, après s’être signalés par tant d’exploits. Le journaliste se trompe. Pour vous, ô prêtres méprisables, ô bonzes stupides, ne voyez-vous donc pas que votre Dieu n’aurait pas été éligible ? Jésus-Christ, dont vous faites un Dieu dans les chaires, dans la tribune, vous venez de le reléguer parmi la canaille ! Et vous voulez que je vous respecte, vous, prêtres d’un Dieu prolétaire, et qui n’était pas même un citoyen actif ! Respectez donc la pauvreté qu’il a anoblie. Mais que voulez-vous dire avec ce mot de citoyen actif tant répété ? Les citoyens actifs, ce sont ceux qui ont pris la Bastille, ce sont ceux qui défrichent les champs, tandis que les fainéants du clergé et de la cour, malgré l’immensité de leurs domaines, ne sont que des plantes végétatives,pareilles à cet arbre de votre Évangile qui ne porte point de fruits, et qu’il faut jeter au feu[4]. »

Loustallot ne fut pas moins véhément contre le décret du marc d’argent[5]. Il prépara un vaste pétitionnement pour obtenir le rapport de ce décret et de la partie de l’organisation municipale déjà votée : « Déjà, dit-il, l’aristocratie pure des riches est établie sans pudeur. Qui

  1. Chronique de Paris du 4 déc. 1789, p. 411, 412.
  2. Patriote français, n° CXIX. — Bibl. nat., Le 2/185, in-4.
  3. Il s’agit sans doute de dom Gerle.
  4. Révolutions de France et de Brabant, n° 3 (t. I, p. 108, 109).
  5. Révolutions de Paris, n° XXI (du 28 novembre au 5 décembre 1789). Les articles de ce journal sont anonymes. La tradition attribue à Loustallot tous ceux ou on traite des questions de politique générale. Mais il y avait d’autres rédacteurs, et il n’y a pas moyen de savoir avec certitude si un article des Révolutions était réellement de Loustallot. Quand donc nous donnons une opinion extraite de cette gazette comme étant celle de Loustallot, c’est sous toute réserve.