Page:Aulard - Histoire politique de la Révolution française.djvu/46

Cette page a été validée par deux contributeurs.
34
LE DÉBUT DE LA RÉVOLUTION

Et on entend un diffus et ennuyeux rapport de Necker, d’où la cour l’a forcé à retrancher l’essentiel du programme du 27 décembre.

Alors commencent ces longs pourparlers, entre les trois ordres, sur la question du vote par tête, à propos de la vérification des pouvoirs. On sait comment le Tiers s’enhardit, et sentit qu’il était la nation, pendant que la Noblesse se raidissait pour la défense de ses privilèges, et que, dans le Clergé, la majorité des curés et quelques évêques faisaient cause commune avec le Tiers.

Le 17 juin, le Tiers se déclare Assemblée nationale, et, puisque nous racontons les origines de la République, il faut bien rappeler la manière inconsciemment républicaine dont cette Assemblée fit aussitôt acte de souveraineté au nom de la nation. Elle consentit provisoirement que les impôts et contributions, quoique illégalement établis et perçus, continuassent d’être levés de la même manière qu’ils l’avaient été précédemment, et cela seulement jusqu’au jour où l’Assemblée se séparerait. Passé lequel jour, l’Assemblée nationale entend et décrète que toute levée d’impôt qu’elle n’aurait pas consentie cesse partout. Puis, elle annonce l’intention de s’occuper des finances, mais seulement après qu’elle aura, de concert avec Sa Majesté, fixé les principes de la régénération nationale. Et, se mettant à l’œuvre, elle nomma, le 19, quatre Comités.

Quelle que fût l’insolence de ces mots : Entend et décrète, rien n’empêchait la royauté, qui en avait entendu bien d’autres, d’accepter et de consacrer à son profit le fait accompli, en ordonnant dès lors aux deux ordres privilégiés de se joindre à l’Assemblée nationale. C’était l’intérêt du roi, qui devenait ainsi le directeur et le régulateur du nouvel ordre de choses, se débarrassait de l’aristocratie, son ennemie historique, et se procurait, avec une immense popularité, les moyens d’être un roi libre et agissant, au lieu de rester le roi opprimé et impuissant qu’il avait été jusqu’alors.

C’est au contraire à la suite de la journée du 17 juin que se scella l’alliance inattendue et, si on peut dire, anti-historique du roi et de la Noblesse. La retraite de Louis XVI à Marly, après la mort du Dauphin, l’avait livré sans contrepoids à l’influence de la reine et du comte d’Artois. Il céda aux supplications de la Noblesse, et aussi (on sait quelle était sa piété) à celles de l’archevêque de Paris, et se décida à résister au Tiers état, à annuler la résolution du 17, à ordonner la séparation des ordres dans les États généraux.

Une séance royale fut annoncée ; mais, au lieu d’agir brusquement, on traîna. On ferma la salle du Tiers pour les préparatifs de la séance royale ; cela amena le serment du Jeu de Paume (20 juin), auquel ne semble s’être refusé aucun des quatre-vingts députés qui avaient voté contre la résolution du 17 juin[1], serment de résistance, serment de

  1. Nous n’avons pas la liste de ces quatre-vingts.