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Mathat, etc., le mot fils, qui est sous-entendu en grec, se rapportant toujours à Jésus, parce qu’en hébreu, on est fils de son ascendant à quelque degré que ce soit *. Le Talmud reconnaît aussi que la généalogie de S. Luc est celle de J.-C. par sa mère ; car, dans les blasphèmes qu’il ose proférer contre la mère de Jésus, il appelle Marie, fille d’Héli. Que si la tradition chrétienne donne au père de Marie le nom de Joachim, il n’y a point en cela de contradiction ; car chez les Juifs les noms’d’Héii, d’Héliakim ou Eliakim et de Joachim sont synonymes et se mettent facilement l’un pour l’autre.

2. Toutefois Marie pouvait descendre de David, sans qu’il fût pour cela nécessaire de rapporter, contre un usage presque constant, sa généalogie particulière. Il suffisait qu’il fût établi qu’elle était parente de Joseph, pour que la généalogie de ce dernier s’appliquât à elle comme à lui. Or cette parenté, que l’Evangile suppose sans l’exprimer, est établie par les témoignages les plus certains de l’antiquité. Les deux généalogies sont donc, selon toute apparence, celles de Joseph, et on leur trouve, même dans la période que nous avons marquée, une fraction commune : Zorobabel, fils de Salathiel. Mais, pour deux noms pareils, que de noms différents ! Ce Salathiel des deux listes, qui n’a dans chacune d’elles qu’un même fils, Zorobabel a deux pères : en S. Matthieu, Jéchonias’ en S. Luc, Néri ; et les deux branches remontent par deux tiges entièrement séparées jusqu’à David, comme de Zorobabel elles descendent en deux lignes tout à fait distinctes jusqu’à Joseph, qui, lui aussi, a deux pères. Comment expliquer cela ? — Par la loi même des Juifs. Il existait chez les Juifs une coutume sanctionnée par la loi de Moïse qui voulait que, si un homme mourait sans laisser d’enfant, son plus proche parent épousât sa veuve pour lui susciter une postérité, et l’enfant qui naissait du mariage, fils naturel du second mari, était fils légal du premier. C’est la loi du lévirat, telle qu’on la voit réglée dans le Deutéronome (xxv, 5-10), et mise en pratique dans l’histoire de Ruth (iv, 7). Des deux pères donnés à Joseph, et avant lui à Salathiel, l’un est le père naturel, l’autre le père légal ; et les deux évangélistes, selon qu’ils ont pris l’un ou l’autre, ont été amenés à donner deux séries différentes : de Joseph, par Jacob ou par Héli, à Zorobabel, fils de Salathiel ; et de Salathiel, par Jéchonias ou par Néri, à David.


il. David i Salomon i i Nathan 1 Jéchonias (sans enfants), père légal ou adoptif de j Néri père naturei de i Salathiel i 1 Zorobabel i Abiud 1 Rhésa 1 Jacob père légal de i | Héli père naturel de i S. Joseph.


Il ne s’agit plus que de savoir (mais cela ne touche pas à la véracité des deux évangélistes) lequel a suivi l’ordre légal, lequel l’ordre naturel, et pourquoi ils ne se sont pas accordés dans le même système. Sur ce dernier point, on pourrait dire q Vils ne l’ont pas fait précisément pour donner la généalogie du Sauveur sous ses deux aspects différents. La parenté légale était celle qu’on observait dans les actes publics ; mais il importait de montrer que J. — C. était, de par sa nature, et non pas seulement par une action légale, du sang de David, et c’est sans doute ce que S. Matthieu a voulu expressément marquer par le mot engendra. S. Luc se sert d’un terme plus vague et plus général.

Cette première solution, qui n’eut aucun partisan avant le xviie siècle, est difficile à soutenir. Elle suppose en effet une traduction inadmissible, car en grec l’article se rapporte au nom précédent et tient lieu de xxxx, fils. Il faut donc traduire 11 étant fils de Joseph (lequel était) fils Héli ".