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protester contre l’une ou l’autre de ces applications. On peut considérer le prologue du quatrième Évangile comme une protestation de ce genre : c’est un solennel avertissement adressé au lecteur par l’Évangéliste. Le Fils de Dieu, dont il va raconter l’histoire, peut, sans aucun doute, être appelé Logos, Verbe de Dieu ; mais par ce Logos il faut entendre, non le Verbe impersonnel et simplement personnifié des Thargumim, non le Verbe, produit ou manifestation de la raison divine, de Philon, mais Celui qui est absolument, ἐν ἀρχῇ ἦν, éternellement en rapport avec le Père πρὸς τὸν Θεόν, en un mot, Dieu simplement, Θεὸς ἦν ὁ λόγος, le Créateur de l’univers, πάντα δι’ αὐτοῦ ἐγένετο, etc. ; et c’est ce λόγος qui s’est fait chair, καὶ ὁ λόγος σάρξ ἐγένετο, et qui a vécu parmi nous comme Christ. Il est évident que l’apôtre ne pouvait combattre plus directement les erreurs signalées ; comme il lui était permis, d’ailleurs, de nommer Verbe le Fils de Dieu, on comprend comment il a été amené à se servir plusieurs fois, notamment dans le prologue dé son Évangile, de la dénomination de Logos. — Kirchen-Lexikon, art. Logos, par Mattes. Comp. Patrizzi, de Evangeliis, lib. III, Dissert. viii, 14, 15 ; Klofutar, comment. in Evan. S. Joannis, p. 6 sv.

Lysanias. — Josèphe parle d’un prince nommé Lysanias qui, vers le commencement du règne d’Hérode l’Ancien, était roi de Chalcis au pied du Liban, et qui fut mis à mort par Antoine au temps où ce dernier fit son expédition en Arménie. Son père s’appelait Ptolémée, fils de Ménée ; ses États, au rapport de Strabon et de Dion, avaient pour centre Héliopolis (Baalbeck) et Chalcis, et s’étendaient au nord jusque dans la plaine du Marsyas, au sud-est jusqu’au voisinage de Damas. Il ne faut pas confondre avec la capitale de la Chalcidie cette Chalcis située au sud d’Héliopolis, sur la rive orientale du fleuve Litani (le Leontes), dans un emplacement appelé aujourd’hui Andjar, où l’on trouve des ruines importantes.

Strauss prétend que c’est ce Lysanias que saint Luc, par erreur, fait revivre plus de soixante ans après, lorsqu’il dit que dans la quinzième année de Tibère Lysanias était tétrarque d’Abilène (iii, 1). Voy. ce mot.

Mais 1° cette supposition est tout à fait gratuite : de ce qu’un personnage a été à une certaine époque roi de Chalcis, est-ce qu’il est impossible qu’un personnage de même nom se trouve soixante ans après tétrarque d’Abilène ?

2° Il est en soi tout à fait vraisemblable, dit Tholuck, de rencontrer un fils ou un petit-fils du premier Lysanias, quelque temps après la mort de son père, en possession d’une partie de ses États. Le premier Lysanias avait été mis à mort et dépouillé par Antoine ; Auguste, tout en laissant en d’autres mains une portion de ses dépouilles, aurait pu se plaire à relever une famille frappée par son rival.

3° Le silence des historiens, de Josèphe en particulier, ne prouverait rien ici. Qui ne sait qu’à cette époque de transition la Syrie et les pays environnants comptaient une multitude de petites souverainetés, plus ou moins vassales de Rome, sans cesse troublées et déchirées par des changements de maîtres ou des remaniements de territoire ? Il n’y aurait donc rien