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esclaves, aux voleurs de grand chemin, aux assassins et aux séditieux : c’est pourquoi les Juifs, pour le faire infliger à Jésus, convertirent devant le procurateur leur grief religieux en une accusation politique. La formule du jugement ordinaire était : Ibis ad crucem, et immédiatement après le condamné marchait au supplice. Dans les localités où le juge n’avait pas de licteurs, on se servait ordinairement de quatre soldats, quaternio, avec un centurion, exactor mortis ou supplicio præpositus.

L’exécution commençait par une flagellation dans le prétoire : les instruments de la flagellation romaine étaient ou des verges d’orme ou des fouets de cuir garnis, à l’extrémité, de nœuds ou de morceaux de plomb ; et l’on administrait cette peine avec tant de cruauté que plus d’une fois les condamnés y succombèrent. Il ne faut pas confondre avec cette flagellation 1o celle que Pilate proposa aux Juifs pendant qu’il interrogeait Jésus (Luc xxii., 16-22) ; 2o celle qu’il fit réellement exécuter avant le jugement (Jean xix, 1). La première devait être un châtiment particulier, tel que ceux que les Romains infligeaient pour de moindres délits, afin de calmer les Juifs et de les détourner de la demande d’un châtiment plus grave ; la seconde était une torture employée pour arracher des aveux, quæstio per tormenta. Jésus ayant été frappé de verges peu avant la sentence, la flagellation dont nous avons parlé tout d’abord n’eut pas lieu.

Le crucifiement se faisait toujours hors des villes populeuses. À Jérusalem, la place des exécutions s’appelait Golgotha ou Calvaire ; les condamnés étaient tenus de porter eux-mêmes la croix jusque-là. Mais Jésus fut à peine arrivé à la porte de la ville, que ses forces l’abandonnèrent, et les soldats contraignirent un certain Simon de Cyrène, qui rencontra le cortège en revenant des champs, de porter la croix à la place de Notre-Seigneur : cette violence n’était pas chose rare de la part des soldats dans les provinces conquises. On suspendait au cou des condamnés, ou l’on faisait porter devant eux, une tablette, titulus, portant une inscription qui énonçait la cause de la sentence, et qu’on fixait ensuite sur la croix au-dessus de la tête du crucifié.

Lorsque Jésus fut parvenu au lieu de l’exécution, on lui présenta, par pitié, un vin fortement aromatisé, afin d’alléger par ce breuvage stupéfiant les souffrances de l’agonie. C’était un usage juif, non romain, et il paraît que souvent les dames de Jérusalem apportaient elles-mêmes au condamné ce vin de la dernière heure. Jésus, après avoir approché ses lèvres du vase, refusa de boire. Il faut distinguer de ce breuvage celui que Jésus, dévoré sur la croix d’une soif brûlante, reçut d’un soldat romain (Luc, xxiii, 36 ; Jean, xix, 29). — Les condamnés étaient dépouillés de leurs habits, qui appartenaient de droit aux soldats. On leur laissait seulement, pour la décence, un linge qui entourait les reins, comme il paraît que cela eut lieu pour Jésus. Un sentiment analogue, et non la vérité historique, inspirait les artistes du moyen âge qui revêtaient d’une tunique l’image de Jésus en croix.

La croix avait la forme ou de la lettre X, crux decussata, croix de saint André ; ou de la lettre T, crux commissa ; une troisième forme était celle où la partie verticale