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notre âme et s’unit étroitement à elle : à tel point que je pourrais encore indiquer la place où le bienheureux Polycarpe s’asseyait pour nous donner ses enseignements ; je pourrais dire sa manière de vivre, son extérieur, les discours qu’il adressait au peuple, la manière dont il parlait de ses rapports avec Jean et avec les autres disciples du Seigneur, comment enfin il rapportait leurs paroles. Il nous racontait, en effet, tout ce qu’il avait appris sur le Seigneur, sur ses miracles, sur sa doctrine ; et tous ces faits, qu’il tenait immédiatement de témoins oculaires, étaient conformes à l’Écriture. Par la grâce de Dieu, j’écoutais avidement tout cela, l’écrivant avec soin, non sur le papier, mais dans mon cœur, et, par la grâce de Dieu encore, je le médite continuellement (Eusèb., Hist. eccl., V, xx)[1]. »

Maintenant il est incontestable, et c’est là une difficulté plus spécieuse, que les discours rapportés par saint Jean n’ont pas tout à fait la même couleur ni la même forme que les discours rapportés par les synoptiques. Mais, dit encore Tholuck[2], toute nature puissante et riche a des aspects variés qu’un seul historien ne peut saisir et rendre complètement. Leibnitz, par exemple, n’a pas encore trouvé un biographe capable d’embrasser la merveilleuse richesse de ses aptitudes. Nous avons deux portraits de Socrate, l’un de Xénophon, l’autre de Platon, comme nous avons deux portraits du Christ, l’un dans les Évangiles synoptiques, l’autre dans l’Évangile de saint Jean. Les différences analogues que présentent ces portraits ne prouvent rien contre leur fidélité, encore moins contre leur au-

  1. Tholuck, trad. par M. Valroger.
  2. Ibid. C’est à lui que nous empruntons le fond de ce paragraphe.