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DES DEUX ÂMES.

l’hérésie manichéenne, que demanderas-tu de plus ? Qu’il me réponde ce qu’il pourrait désirer de plus sur ce point. C’est bien jusque-là. Mais si je me mets en mesure de montrer les conséquences logiques qui découlent nécessairement de ce principe, il en arrivera bientôt à nier cette utilité de la pénitence, malgré les protestations unanimes des doctes et des ignorants ; et pendant que nous discuterons il répondra à chaque partie de la question par ce principe qui lui est si cher : Il y a en nous deux âmes. Ô cruelle habitude du péché ! ô terrible châtiment du péché ! Vous m’arrachiez alors à la considération de vérités aussi évidentes ; et je ne sentais pas vos coups meurtriers : maintenant encore, mes amis ne sentent pas les blessures que vous leur faites ; et c’est moi qui gémis et qui souffre cruellement des coups que vous leur portez.

CHAPITRE XV.
PRIÈRE POUR SES ANCIENS COMPAGNONS D’ERREUR.

24. Je vous en conjure, mes chers amis, réfléchissez-y profondément : je connais la droiture de votre intelligence. Si vous me concédez que chaque homme est doué d’intelligence et de raison, sachez que les conséquences de ce principe sont infiniment plus certaines, que ce que nous paraissions apprendre, ou plutôt ce que l’on nous forçait à croire dans la secte des Manichéens. Dieu infiniment grand, tout-puissant, bonté infinie, vérité suprême et immuable, Trinité une, que l’Église catholique proclame et adore, prosterné à vos pieds, je vous en supplie, moi qui ai éprouvé les effets de votre infinie miséricorde, ne souffrez pas que des hommes avec qui, dès l’enfance, j’ai toujours été si étroitement uni, restent séparés de moi et du culte que je vous rends[1].

Ce que l’on attend surtout de moi, au sujet des Écritures catholiques attaquées par les Manichéens, ce serait de me voir en entreprendre la justification, ce que, dit-on, je ne manquerais pas de faire, si ma cause était aussi bonne que je l’assure ; peut-être même se montrerait-on satisfait, si du moins je prouvais que ces Écritures peuvent être justifiées. Avec l’aide de Dieu, je l’entreprendrai dans d’autres volumes ; pour le moment je crois avoir été d’une longueur suffisante.

Traduction de M. l’abbé BURLERAUX.
  1. Voir I Rétract., ch. xv, n. 8.